jeudi 30 octobre 2014

Mahmoud, Alain Serres



Pour les uns, ceux qui n’ont rien,
Le droit de ne plus être pauvre, c’est peut-être…
Ah non ! pas le droit de devenir riche, riche comme ça, là, non !
Juste celui de ne plus être pauvre,
De ne plus se sentir coupable de quelque chose,
Un peu moins respectable que les autres, d’un autre siècle.

Pour les autres, ceux qui possèdent tant,
Le droit ne plus être que des riches,
C’est peut-être juste le droit d’être solidaires.
Ne plus être la raison des douleurs des plus faibles,
La déraison des lois de l’argent,
le visage des injustices de ce siècle.
Mahmoud a besoin, là, tout de suite,
D’un livre d’astronomie pour lui,
Et de six chèvres pour sa mère
Qui aime aussi la musique.


Alain Serres
Je serai trois milliards d’enfants

Rue du Monde, 2009

jeudi 23 octobre 2014

Les mots, François David


Le mot merle est vivant
Il s'envole si tu le dis fort
Et le mot tourterelle
Et le mot colibri

Le mot pain est vivant
sans lui pas de souffle ni d'espoir
Et le mot farine
Et le mot fontaine

Le mot murmure est vivant
Il s'agit de tendre les lèvres
Et l'oreille pour entendre le mot coeur
Le mot patience

Le mot rire est vivant indispensable
Comme le sel comme le miel
Et comme le mot frère
Et comme le mot fleur

mercredi 22 octobre 2014

Némo, Alain Serres



Les frontières du territoire de Némo n’appartiennent qu’à lui. Elles dessinent exactement l’ombre de son corps. Même entre ses doigts, même entre ses jambes, même autour de chacun de ses cheveux : c’est son pays. Aucune agression extérieure n’est autorisée. Aucune armée n’a le droit de passer cette limite. Ni avec un sourire, ni avec la voix autoritaire d’un adulte. Toute forme de violence sur le fragile pays de Nemo est une déclaration de guerre à l’humanité toute entière.

Alain Serres
Je serai trois milliards d’enfants

Rue du Monde, 2009

jeudi 2 octobre 2014

Quotidiennes pour résister, Georges Cathalo


Ah oui les robots les automates  
Les ordinateurs les tablettes
Et les consoles qui ne consolent pas
On connaît ça et ça suffit
On n’en veut plus on veut rêver
On veut juste jouer entre nous
Construire un avion en papier
Admirer les nuages
Colorier les fenêtres de la classe


Et courir autour de la cour.

Entrer en dissidence en résistance 
Aux préjugés aux impulsions
Redécouvrir les territoires
Trop jalonnés trop balisés
Redécouvrir le calme et la lenteur
Et la patience et la tendresse.
Un peu plus chaque matin 
Vivre doit s’écrire debout
A l’encre rouge
Seul de préférence
Avec des cartouches de mots
Prêtes à servir
Dans un silence de cathédrale.
Un livre et un livre seulement 
S’il recèle des surprises
Charmes et violences
Tendresses et provocations
Et tout un arsenal d’armes fatales
Qui serviront peut-être un jour
A construire ou à reconstruire.

Encore heureux de ne pas être obligé 
De piétiner dans les flaques de l’actualité
De goûter aux faits-divers
De s’aligner dans des files dociles
Encore heureux de pouvoir avancer seul
Au milieu des déserts modernes.


Et nous voici envasés 
Dans les confusions mentales
Sous des flots d’images brutales
Où les horreurs se banalisent
Comment faire pour résister
A tout ce qui défigure et dégrade
Allumer des contre-feux


Créer des contre-poisons.

Il ne suffira pas de s’indigner 
Ou de hurler face à la nuit
Ou de prendre les armes
Car nos jours sont comptés
Du local ou global du vide au plein
Du tout au rien du rien au tout.


Quotidiennes pour résister
Poésie en voyages  
2013