samedi 20 décembre 2014

Toucher l'instant, Grand Corps Malade


On a trempé notre plume dans notre envie de changer de vision
De prendre une route parallèle, comme une furtive évasion
On a trempé notre plume et est-ce vraiment une hérésie
De se dire qu'on assume et qu'on écrit de la poésie ?
Il existe paraît-il, un instant dans l'écriture
Qui oublie la page blanche et efface les ratures
Un véritable état second, une espèce de transe
Qui apparaît mystérieusement et s'envole en silence
Que l'on rape ou que l'on slame, on recherche ce moment
Il allume une flamme qui nous éclaire brièvement
Cette flamme est la preuve, laisse-moi t'en faire une démo
Qu'il est possible de combattre le mal par les mots
C'est tout sauf une légende, on espère juste toucher l'instant

Les quelques secondes du poète qui échappent à l'espace-temps

Les moment rares et irréels que la quiétude inonde
Rouda, n'oublie jamais notre parole du bout du monde
On ressent comme une coupure dans la vie, comme un rêve
On oublie les coups durs de la vie, comme une trêve
C'est un phénomène puissant, je ne te parle pas d'inspiration
Mais d'un souffle plus profond comme une seconde respiration
On voit et on entend l'encre devenir vivante
On goûte et on sent la saveur d'une rime errante
On touche du doigt l'instant qui nous enveloppe de sa puissance

C'est sans cesse la renaissance de l'essence même de nos cinq sens
C'est le moment où on passe de l'autre côté des paysages
On sympathise avec le vent et on tutoie les nuages
Il fait jour en pleine nuit et il fait nuit en plein jour

Profite de cet instant, il ne durera pas toujours
C'est tout sauf une légende, on espère juste toucher l'instant
Les quelques secondes du poète qui échappent à l'espace-temps


Le moment où le voile se lève et la magie s'élance
Là où j'ai croisé Souleymane au bout du sixième silence
Si on n'a pas atteint le Nirvana, on doit en être au seuil
Pourtant je suis simplement assis là, devant ma feuille
Peut-être que cet instant n'existe que dans mon esprit
Et que je suis complètement mythomane lorsque j'écris
Mais laisse-moi mon stylo, y a pas moyen que je m'arrête
J'ai une envie d'écrire comme t'as une envie de cigarette
Et pour m'enlever ce désir, je te demanderais de repasser
Car tant que je pourrai écrire, je continuerai de penser
Que c'est tout sauf une légende, on espère juste toucher l'instant
Les quelques secondes du poète qui échappent à l'espace-temps

Les moments que l'on redécouvre, que l'on connaît plus ou moins
Tu l'as déjà touché, Jacky, j'en suis témoin
On a trempé notre plume dans notre envie de changer de vision
De prendre une route parallèle, comme une furtive évasion
On a trempé notre plume et est-ce vraiment une hérésie
De se dire qu'on assume et qu'on écrit de la poésie ?


Grand Corps Malade

Musique: S Petit Nico   2006  "Midi 20" © Editions Musicales Djanik

jeudi 18 décembre 2014

Je hais les haies, Raymond Devos



Je hais les haies
qui sont des murs
et les mûriers
qui font la haie
le long des murs.

Je hais les haies
qu'elles soient de mûres
qu'elles soient de houx !

Je hais les murs
qu'ils soient en dur
qu'ils soient en mou !

Je hais les haies
qui nous emmurent.
Je hais les murs
qui sont en nous!


Raymond DEVOS
Ca fait rire les poètes
Rue-du-monde, 2009


jeudi 11 décembre 2014

Terre ou ciel, Andrée Chédid



A la nuit des folles lunes,

Sur le fleuve sans bords je m’étais égaré,
Oubliant d’emporter jusqu’au nom de ma mère.
Serait-ce enfin l’approche d’un monde sans miroirs ?

Jamais mes doigts n’oseront toucher tant de beauté
ensemble !

Le ciel est trop haut, trop cruelle la marée ;
C’est ici, c’est ici qu’il nous faut tout reprendre.
Mais aux mots de chaque jour nos langues se sont usées,
A trop vivre s’est perdue l’eau douce de notre regard.


Pourtant, qu’avons-nous de plus proche que l’oiseau ;
Nous, que l’on dit voués à la sourde poussière ?


Andrée CHEDID
Le Chédid
Mango Jeunesse 2012